26 juillet 2021

Les sportifs de haut niveau sont-ils des salariés comme les autres ?

Tous les quatre ans, le monde entier se prend de passion pour les Jeux Olympiques : en 2016, les Jeux de Rio ont battu un nouveau record en étant suivis par 3,6 milliards de téléspectateurs, sans parler du public sur le Web et les réseaux sociaux, toujours plus important. Pour les sportifs de haut niveau qui représenteront la France aux Jeux de Tokyo, cet événement constitue souvent le point culminant d’années d’entraînement, de discipline et de sacrifices. Mais quel est le statut de ces professionnels si particuliers ? Décryptons ce que dit la législation sur ces travailleurs pas comme les autres.

Sportifs de haut niveau : quelques repères

Le statut de sportif de haut niveau s’obtient sur demande auprès du ministère chargé des Sports. Dans les faits, c’est la fédération dont dépendent les sportifs qui effectue cette demande, selon les modalités déterminées par la convention établie avec le Ministère. Si ces conditions sont remplies, le sportif de haut niveau est inscrit sur les listes maintenues par le Ministère pour une durée déterminée par ses performances dans les compétitions de référence – à savoir celles qui déterminent le classement mondial pour les fédérations sportives internationales : Jeux Olympiques et Paralympiques, championnats du monde, championnats d’Europe, etc.

À la fin de l’année 2019, la France dénombrait 162 000 clubs et 10 000 établissements professionnels agréés par le ministère chargé des Sports, ainsi que 15 032 sportifs en lien avec le sport de haut niveau inscrits sur les listes du Ministère. Sur 113 fédérations sportives, 25 sont des fédérations multisports, 36 des fédérations unisport olympiques, et 52 des fédérations unisport non olympiques[1].

Le statut particulier des sportifs de haut niveau

Pour être inscrit sur les listes du Ministère, tout sportif de haut niveau doit être lié à une fédération sportive par une convention, qui est légalement distincte d’un contrat de travail et leur confère un statut à part. Pourtant, ce statut conférait peu de protection aux acteurs du sport professionnel. Il a donc été réformé par la loi n° 2015-1541 du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale.

Parmi les priorités de cette réforme : mieux encadrer les statuts des sportifs professionnels et/ou de haut niveau salariés, comme les joueurs de football ou de rugby, et non-salariés, dont la rémunération dépend principalement de leur participation à des tournois.

Pour les sportifs salariés, la loi a notamment permis la création d’un CDD spécifique pour les sportifs rémunérés par une association sportive ou une société. Ce contrat doit être écrit (il ne peut donc s’agir d’un accord oral) et sa durée doit être comprise entre 12 mois et 5 ans – sauf contrats inférieurs à 12 mois conclus en cours de saison, par exemple pour assurer le remplacement d’un sportif. Ce type de contrat permet par ailleurs de sécuriser les opérations de « prêts de joueurs » entre clubs en appliquant les règles du code du travail relatives au prêt de main d’œuvre.

Pour les travailleurs indépendants, la loi sécurise leur statut en établissant une présomption de travail indépendant et en excluant purement et simplement la présomption de salariat.

Les conventions qui lient sportifs de haut niveau et fédérations

Comme évoqué précédemment, la qualité de sportif de haut niveau s’obtient à condition d’être lié à une fédération sportive par une convention spécifique. Depuis la réforme de 2015, cette convention doit intégrer plusieurs dispositions importantes visant à sécuriser le statut des sportifs et leur parcours professionnel.

Tout d’abord, les fédérations doivent assurer une surveillance et une protection médicales renforcées des licenciés inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau. Elles doivent par exemple souscrire un contrat d’assurance qui couvre les éventuels dommages corporels causés par la pratique du sport. La loi prévoit également la création d’un dispositif d’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles qui couvre le risque d’accident sportif. Ce régime, pris en charge financièrement par l’État, permet de couvrir des blessures jusqu’à leur consolidation et ouvre droit à un capital ou des rentes minimales.

De plus, les associations sportives ou les sociétés ayant recourt à des sportifs professionnels devront assurer leur suivi socioprofessionnel. L’objectif est de permettre aux athlètes de faire état de leurs projets ou d’exposer leurs besoins d’aide et d’accompagnement. Ce qui implique notamment de désigner des référents chargés d’effectuer ce suivi socioprofessionnel, en lien avec les fédérations sportives, les ligues professionnelles et les organisations représentatives de sportifs et d’entraineurs professionnels.

Enfin, les fédérations sont également sujettes à des obligations de formation et d’accompagnement professionnel. Les sportifs pourront donc également bénéficier de périodes de professionnalisation, de formations qualifiantes, et d’actions qui leur donnent accès à des connaissances et compétences professionnelles de base. Ils bénéficient d’une dérogation à la limite d’âge de 25 ans exigée pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage.

Les sportifs de haut niveau à l’heure de la retraite

Depuis 2012, les sportifs de haut niveau peuvent obtenir la validation de trimestres de retraite sur les périodes pendant lesquelles ils ont figuré sur les listes du Ministères.

Ainsi, ce système permet aux sportifs de haut niveau d’obtenir des ‘trimestres gratuits’ au cours d’une année pendant laquelle ils n’ont pas pu cotiser suffisamment pour valider quatre trimestres.

L’octroi de ces ‘trimestres gratuits’ est limité à quatre trimestres par an tous régimes confondus et à 16 trimestres dans une carrière – sans obligation que ces périodes soient consécutives. Les sportifs de haut niveau doivent par ailleurs respecter certaines conditions d'âge et de ressources :

  • être âgé d’au moins 20 ans
  • ne pas avoir perçu plus de 75 % du Plafond de la Sécurité sociale (PSS) au cours de l'année considérée. En 2021, ce taux équivaut à un total de 2 571 € par mois, toutes ressources prises en compte (salaires, sponsors, sommes perçues à l'étranger…). Un mécanisme salutaire pour les sportifs qui permet de compenser leurs années d'entraînement, souvent mal rémunérées.

En somme, des réformes qui ont débouché sur une protection plus importante et salutaire pour ces professionnels d’un genre à part, qui peuvent fédérer tout un pays derrière eux, notamment pendant les Jeux Olympiques.

 

[1] Source : Les chiffres-clés du sport 2020, Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP)

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